CHAPITRE XV

 

Abu Qutada sortit de son petit cottage de Forty Lane, dans le quartier de Wembley, et fit le tour de sa voiture, une Toyota Yaris offerte par ses militants. Il vivait là depuis deux ans, avec sa femme et ses quatre enfants, grâce à la Cour européenne de justice qui avait exigé du gouvernement britannique qu’il cesse de le maintenir en détention, sans jugement. Le quartier était très musulman, mais avec de nombreuses nationalités : des Algériens, des Saoudiens, des Marocains et des Jordaniens et, bien sûr, des Pakistanais. Les rues étaient propres, les cottages coquets, bien entretenus, et souvent leurs propriétaires roulaient dans de luxueux 4 × 4.

L’islamiste, après avoir fait tourner le moteur de la Yaris, rentra chez lui. C’était son heure de relative liberté. Son téléphone, son courrier électronique, son fax étaient surveillés. Deux caméras, plantées en face de chez lui, enregistraient tous les visiteurs. De plus, il portait, fixé à la cheville, un bracelet électronique qui enregistrait tous ses déplacements. Abu Qutada avait droit à certains itinéraires, à des heures fixes, et ne devait pas s’en écarter… Aller chez le dentiste ou le médecin nécessitait une autorisation préalable… En dépit de ces menus inconvénients, sa vie se déroulait de façon plutôt paisible.

Chaque matin, il se rendait en voiture au supermarché Asda, en contrebas de la mairie de Brent, et y faisait quelques emplettes. Il avait signalé cette « ouverture » à ses amis intimes, qui lui envoyaient parfois des messagers sûrs au supermarché.

Il ressortit de son cottage et se mit au volant de sa voiture. Il allait toujours seul chez Asda.

 

*

*   *

 

Shapour Nawqui, descendu à la station Wembley Park, avait, à l’aide de son plan, trouvé facilement le supermarché Asda. Il était en avance, ce qui lui avait permis de gagner le rayon bricolage. Là, il avait sélectionné une très belle hache à manche court, en promotion, chaudement recommandée par le vendeur, et l’avait payée onze livres et vingt-sept shillings, après en avoir éprouvé le tranchant.

Ensuite, sa hache enveloppée dans un sac de papier, il avait traîné dans le magasin, guettant l’entrée. La veille, il avait pris une chambre dans un motel à côté de Heathrow, en expliquant qu’il avait raté son train. Grâce à son passeport britannique, l’employé de la réception ne lui avait rien réclamé. À tout hasard, Shapour Nawqui avait payé sa chambre d’avance, en liquide. Ensuite, il avait pris le métro et gagné le centre de Londres. Là, il lui avait fallu un certain temps pour se repérer et gagner le quartier huppé de Belgravia, afin de reconnaître le domicile de sa « cible ». Même dans ce quartier sélect, la présence d’un Pakistanais ne se remarquait pas : Londres était une ville cosmopolite et, d’ailleurs, l’ambassade du Pakistan ne se trouvait pas loin de là, dans Lowndes Square. Shapour Nawqui ne s’était pas trop attardé, allant quand même jusqu’au fond de Belgravia Mews North et repérant la Bentley verte garée devant le numéro 45, comme on le lui avait dit.

Par superstition, il ne voulait pas « travailler » avant d’avoir la bénédiction d’Abu Qutada…

Il regarda sa fausse Rolex, achetée à Peshawar : onze heures et demie. Pourvu que l’islamiste en résidence surveillée n’ait pas changé ses habitudes ! Il n’avait aucun moyen de le joindre ; au fond de sa poche, il serrait la note qu’on lui avait remise pour lui, écrite d’une écriture minuscule et codée. Un rapport provenant directement du premier cercle d’Oussama Bin Laden, qui estimait beaucoup Abu Qutada. Celui-ci n’avait jamais renié ses convictions et avait payé un lourd tribut à sa vie militante, avec des années de prison et d’internement administratif…

Shapour Nawqui aperçut enfin le barbu en tenue blanche qui franchissait la porte du supermarché, coiffé d’un turban blanc.

C’était lui, Abu Qutada. Il le reconnut facilement, sa photo était régulièrement dans les médias.

Il s’imposa de ne pas bouger et observa l’homme qui venait d’entrer et échangeait quelques mots avec une caissière, avant de se diriger vers le rayon alimentation. Shapour Nawqui se rapprocha de lui, l’épiant à distance, et surtout contrôlant les autres clients du magasin. Au bout de dix minutes, il n’avait aperçu aucune personne suspecte et il finit par se rapprocher d’Abu Qutada. Ce dernier était en train de choisir des fruits. Shapour Nawqui arriva tout près de lui et murmura :

— Frère, tu ne me connais pas mais je suis un ami du mollah Mansour, qu’Allah l’ait en Sa Sainte Garde.

Abu Qutada ne broncha pas, continuant à tâter des mangues, puis il se retourna à demi, toisant son interlocuteur. Il lui tendait une mangue, comme pour la lui faire goûter.

— Quel est ton nom, mon frère ? demanda-t-il.

— Shapour Nawqui.

— Le « Cobra » ?

— Certains m’appellent ainsi, reconnut le Pakistanais. Je suis venu à Londres pour une autre raison, mais on m’a confié un document pour toi. Puis-je te le remettre ? Il paraît que c’est important.

Abu Qutada regarda autour de lui et dit, sans regarder le Pakistanais :

— Laisse tomber ton bras le long de ton corps. Quand nos mains vont se frôler, tu me le passes.

Personne ne put voir le geste discret. D’un geste naturel, Abu Qutada mit le papier dans sa poche, puis reprit la sélection de ses mangues. Son regard croisa celui de « Cobra » et il demanda :

— Tu restes longtemps à Londres, mon frère ? Shapour Nawqui secoua la tête.

— Non, mon frère, dès que j’aurai rempli la volonté de Dieu, je repartirai, inch Allah.

Le regard d’Abu Qutada se fit plus acéré.

— As-tu besoin de quelque chose, mon frère ? Je suis très surveillé mais, comme tu le vois, ce n’est pas suffisant pour contrarier la volonté de Dieu.

— Non, assura Shapour Nawqui. Je ne veux pas te causer de souci. Dieu m’inspirera.

— Je prierai pour toi, promit Abu Qutada, en s’éloignant vers la caisse. Dis à nos amis qu’aucune épreuve ne me brisera. Et, si tu as la chance d’approcher le Cheikh, transmets-lui mon humble et admiratif souvenir, par le Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux.

Il s’éloigna vers la caisse et Shapour Nawqui resta à flâner dans les rayons. Soulagé. Désormais, il pouvait se consacrer à sa mission principale.

De loin, il aperçut Abu Qutada gagner le parking et monter dans une petite voiture blanche.

 

*

*   *

 

— Venez immédiatement à Grosvenor Square, ordonna Richard Spicer. Il n’y a pas une minute à perdre.

Malko était un peu interloqué par cette convocation rapide, impromptue à huit heures du soir. Ils ne s’étaient pas revus depuis le constat d’échec de la dernière réunion au MI6 et, à vrai dire, à part satisfaire les pulsions sexuelles d’Aisha Mokhtar, il ne voyait plus très bien son utilité à Londres. Il était certes persuadé que la Pakistanaise ne lui disait pas toute la vérité, mais comment la faire parler ? Intrigué, il sauta dans un taxi. L’ambassade des États-Unis était plongée dans l’obscurité, à part quelques fenêtres éclairées au cinquième étage. C’est là qu’il retrouva Richard Spicer, visiblement très préoccupé.

— Il y a du nouveau, annonça l’Américain. Les Pakistanais ou Al-Qaida ont envoyé un tueur à Londres. Il est possible que cela concerne Aisha Mokhtar. J’ai demandé au « 5 » de mettre un dispositif de protection autour d’elle.

Malko tombait des nues.

— Qui vous a appris cela ?

Richard Spicer alla se servir un scotch, et, après avoir remis en place la bouteille de Defender « 5 ans d’âge », s’assit en face de Malko.

— Vous avez entendu parler d’un islamiste appelé Abu Qutada ?

— Oui, bien sûr. Il avait disparu.

— Il était en prison, sans jugement, les Brits ont été obligés de le remettre en liberté, à cause des pressions européennes, et il est en résidence surveillée, très contrôlée, dans le West End. Il a gardé des contacts avec les gens d’Al-Qaida et reçoit de nombreuses visites. Or, ce matin, alors qu’il faisait ses courses dans un supermarché, il a été abordé par un homme qui lui a dit arriver du Pakistan et qui était porteur d’un message pour lui, de la part d’un groupe d’Al-Qaida basé à Ghasni, sur la frontière afghane.

— Au sujet d’Aisha Mokhtar ?

— Non. Simplement des nouvelles de gens qu’il connaît, comme l’ancien chef des services de renseignements des talibans qu’on croyait mort. Seulement, ce que cet homme ignorait, c’est que le « 6 » a retourné Abu Qutada. Ce dernier informe désormais les services britanniques, tout en conservant une auréole de martyr. Ce qui a déjà contribué à de multiples arrestations. Il est insoupçonnable, en raison de son passé.

— Pourquoi trahit-il ?

— Bonne question : les Brits lui assurent une vie agréable, certes un peu contrôlée, mais ses enfants peuvent faire de bonnes études. Tous ses contacts sont surveillés et ceux qui échappent à cette surveillance, il les balance au « 6 ».

— Que s’est-il passé exactement ? demanda Malko, intrigué par cette histoire tordue.

Finalement, les organisations politiques nourrissent toujours des traîtres dans leur sein.

— Ce Pakistanais l’a abordé en donnant son nom. Or, Abu Qutada le connaît de réputation. C’est un tueur surnommé « Cobra », pour la rapidité avec laquelle il liquide ses victimes. Un certain Shapour Nawqui.

— Un membre d’Al-Qaida ? demanda Malko.

— Un sympathisant, mais il est lié aussi à l’ISI. On le soupçonne d’avoir commis plusieurs meurtres pour leur compte.

— Puisqu’il a donné son nom et qu’on sait qu’il vient d’arriver, cela doit être relativement facile de le retrouver.

Richard Spicer secoua la tête.

— Évidemment, Scotland Yard et le « 5 » ont peigné tous les vols en provenance d’Islamabad, les hôtels, les quartiers pakistanais, mais sans résultat jusqu’ici. Les recherches continuent, mais les Brits pensent qu’il a utilisé un passeport à un nom différent. Il n’y avait personne à son nom sur aucun vol en provenance du Pakistan.

— Abu Qutada n’a pas pu obtenir d’information ?

— Non, l’autre est resté très vague. Seulement, Abu Qutada a remarqué qu’il se promenait avec une hache, qu’il venait d’acheter dans ce supermarché.

— Une hache ?

— Oui. Il n’utilise jamais d’arme à feu. Doté d’une force prodigieuse, il tue ses victimes à coups de hache… Or, d’après ce qu’a compris Abu Qutada, il est venu à Londres pour commettre un meurtre.

— Pourquoi Aisha Mokhtar ?

— Parce que les dates correspondent, répliqua le chef de station de la CIA. Les services pakistanais lui ont demandé de revenir là-bas. Elle a répliqué que cela lui était impossible. Donc, ils ont pris des mesures. D’ailleurs, on va savoir très vite s’il s’agit bien de votre « protégée »… Ce tueur ne va pas s’éterniser.

— Donc, vous voulez la mettre à l’abri. Richard Spicer eut un sourire rusé.

— Non. Nous allons prendre un risque calculé. La seule chance de faire parler Aisha Mokhtar, si elle a quelque chose à dire, c’est qu’elle ait très peur. Nous pouvons la protéger, mais elle aura quand même le temps de voir son probable assassin.

Le risque calculé était pour la Pakistanaise… Malko n’approuvait pas trop, mais ce n’était pas lui qui décidait.

— Avez-vous une photo de ce « Cobra » ? demanda-t-il.

— Non. Juste une description : un mètre quatre-vingt-dix, barbu, style bûcheron. Il était vêtu à l’européenne.

— Bien, quel est le Kriegspiel ?

— Scotland Yard a mis en place une souricière à l’entrée de Belgrave Mews North. Un « sous-marin » avec plusieurs agents du S.O. 19[44] armés de MP 5 qui pourront réagir très vite. Le tueur doit se déplacer à pied… Je voulais vous avertir.

Malko eut un sourire ironique.

— M’avertir, c’est bien, mais je préférerais quelque chose de plus concret.

— Quoi ?

— Une arme. Je n’ai pas envie de servir de pigeon d’argile. Vos agents de Scotland Yard vont d’abord protéger la « cible ». Or, je n’ai pas envie de prendre un coup de hache…

Richard Spicer faisait grise mine.

— Il faut que je demande aux Brits, avança-t-il. Nous sommes chez eux, à Londres.

— Vous ne demandez rien du tout, trancha brutalement Malko. Je connais les Britanniques. Ils ont horreur des armes à feu. Ils vont mettre huit jours à se décider. Moi, je veux quelque chose tout de suite.

Le silence qui suivit fut tendu. Enfin, avec un soupir, Richard Spicer se leva et dit :

— Je vais voir ce que je peux trouver.

Il sortit de la pièce et revint quelques instants plus tard avec une boîte qu’il tendit à Malko.

— Voilà. Cela fait partie des armes de secours des Marines de garde à l’ambassade. De grâce, ne faites pas d’imprudence.

— Je suppose que je ne dis pas un mot à Aisha Mokhtar.

— Bien sûr.

Ils se quittèrent sur une poignée de main presque froide. Les fonctionnaires ne possédaient pas le même logiciel que les hommes de terrain. Malko, qui avait prévu de dîner avec une jeune Britannique extrêmement séduisante, rencontrée jadis au Népal, décida de changer ses plans. À peine sorti de l’ambassade, il appela Aisha Mokhtar, qui avait décidé de dîner chez elle.

— Mon dîner s’est décommandé, annonça Malko. Je vous emmène Chez Momo.

— Chez Momo ! Superbe !

C’était un restaurant marocain en vogue depuis plusieurs années, situé dans une impasse donnant dans Regent Street. On y mangeait une cuisine vaguement marocaine, les bons soirs on dansait sur les tables et les Londoniens raffolaient de cet endroit exotique.

— Je viens vous prendre dans une heure, promit Malko.

 

*

*   *

 

Le Salinthip Naree filait toujours ses douze nœuds dans une mer agitée, selon le même cap qui lui faisait traverser l’océan Indien avec un cap nord – nord-ouest de 325°. La plus grande partie de l’équipage dormait ou se reposait.

Dans sa cabine, le capitaine Lankavi, penché sur une carte, vérifiait ses calculs de trajectoire. De tout l’équipage, il était le seul à savoir ce qui allait se passer. Grâce à son GPS, il contrôlait sa course au mètre près, afin de se préparer au seul moment vraiment dangereux de son équipée : la rencontre avec le vraquier parti de Mogadiscio, son sistership sorti du même chantier japonais en 1982 et revendu deux ans plus tôt par Precious Shipping Ltd à un armateur maltais, et qui portait le nom d’Anodad Naree.

Leurs routes devaient se croiser quelque part au milieu de l’océan Indien, à environ 800 milles au sud-est de la Somalie. Afin d’éviter tout risque d’interception radio, les deux cargos ne communiqueraient pas. Leurs navigations respectives avaient été établies au début de l’opération, compte tenu de leur vitesse, des courants et du vent. Le seul paramètre imprévisible était le temps, mais en cette saison il était relativement stable.

L’Anodad Naree avait été repeint à Mogadiscio et s’appelait désormais Salinthip Naree. Les deux sisterships étant strictement identiques, l’opération ne posait aucun problème. En ce moment, deux navires portant le même nom naviguaient donc dans l’océan Indien : le Salinthip Naree, parti de Bangkok, et L’Anodad Naree, parti de Somalie, repeint aux couleurs du Salinthip Naree.

Leurs deux trajectoires allaient se rejoindre en un point déterminé à l’avance, où ils stopperaient. Le temps pour l’Anodad Naree de mettre un canot à la mer afin de transborder une douzaine d’hommes sûrs et de récupérer les papiers du Salinthip Naree. Ensuite, le faux Salinthip Naree continuerait vers la mer Rouge et le canal de Suez, selon l’itinéraire prévu pour le vraquier parti de Bangkok, tandis que le véritable Salinthip Naree ferait demi-tour, repartant vers la côte pakistanaise pour être démoli à Gaddani, sous le nom et avec les papiers de L’Anodad Naree. Les modifications de nom et de peinture seraient effectuées en pleine mer, tout de suite après que les deux vraquiers seraient repartis vers leurs destinations respectives.

Les hommes embarqués, des militants d’Al-Qaida, étaient là pour mater toute tentative éventuelle de rébellion de la part de l’équipage normal du vraquier. Ce qui était peu probable. Frustes, ces marins étaient vraiment des forçats de la mer et se moquaient éperdument de la destination de leur navire, du moment qu’ils étaient payés. Leur tâche consisterait à jeter à la mer la cargaison de riz destinée à Israël, car un navire qui va être démoli n’emporte pas de fret.

À Gaddani, l’équipage recevrait une prime et se disperserait. Toute l’opération était réglée comme un mouvement d’horlogerie, mais ne présentait pas de grosses difficultés.

Il était possible qu’un des deux vraquiers soit contrôlé durant la traversée de l’océan Indien par un navire de la Ve Flotte US. Le faux Salinthip Naree ne craignait pas grand-chose. Comme il s’agissait d’un cargo allant de Bangkok à Haifa sans escale, appartenant à une compagnie thaïe connue, une vérification superficielle de la cargaison montrerait qu’elle était conforme au manifeste de chargement.

Ses calculs terminés, le capitaine Lankavi rangea ses papiers, verrouilla sa cabine et gagna la dunette où son second, malais comme lui, et totalement acquis aux idées d’Al-Qaida, prenait le quart. Les deux hommes avaient été contactés deux mois plus tôt par un membre du groupe Abu Sayyaf qui leur avait demandé s’ils voulaient s’associer à une opération importante ayant la bénédiction du Cheikh. Leur rôle serait primordial, mais sans danger. Du moins, dans un premier temps. Car par la suite, ils deviendraient très vite des hommes traqués.

Ils avaient reçu quelques milliers de dollars, mais ce n’était pas leur motivation première. On leur avait expliqué qu’il s’agissait d’une importante livraison d’armes à destination de la résistance palestinienne et l’explication leur suffisait.

Le ciel était étoile, les machines ronronnaient et l’étrave fendait les vagues, avec parfois des creux de quatre mètres.

— Nous venons de croiser un navire de guerre américain, annonça le second, je lui ai communiqué notre chargement et notre destination.

— Bravo ! fit le capitaine.

Plus ils seraient contrôlés, moins il y aurait de risque que le faux Salinthip Naree le soit dans la partie finale de son trajet, les quarante milles nautiques des eaux territoriales israéliennes. La Navy israélienne recevait en temps réel toutes les informations recueillies lors des différents contrôles sur chaque navire. Donc personne ne chercherait midi à quatorze heures. Le Salinthip Naree, en provenance de Bangkok, venait livrer son chargement de riz, comme prévu. La durée du voyage, le navire, la cargaison, tout correspondait.

Seulement, ce ne serait pas le véritable Salinthip Naree qui se présenterait devant la côte israélienne, mais son sistership parti de Mogadiscio, avec sa mortelle cargaison. Le vrai Salinthip Naree serait déjà en train d’être découpé au chalumeau à des milliers de kilomètres de là.

 

*

*   *

 

Shapour Nawqui avait prié plus longuement que d’habitude à la mosquée de Newsbury Park, noyé dans la masse des fidèles. Si Allah le permettait, il reprendrait un avion le lendemain pour le Pakistan.

Ballotté par le métro, il suivait attentivement des yeux les stations. Le convoi arrivait à Knightsbridge. Le Pakistanais descendit et sortit à l’air libre, s’orientant rapidement. Cinq minutes plus tard, il parvenait à l’entrée de Belgrave Mews North. D’un coup d’œil, il vérifia que la Bentley n’était pas là. Donc, la femme qu’il avait pour mission d’assassiner était sortie et allait rentrer. Il entra dans l’impasse, marchant difficilement sur les pavés disjoints. À sa précédente visite, il avait repéré, juste à côté du 45, une maison en travaux, dont les ouvertures béantes étaient protégées par des bâches en plastique.

D’un coup de rasoir, il en fendit une et se glissa à l’intérieur, trouvant rapidement ses marques. Tapi derrière la bâche transparente, il distinguait parfaitement l’entrée de l’impasse. Très peu de véhicules s’y engageaient, le stationnement étant réservé aux riverains. Accroupi sur ses talons, Shapour Nawqui était strictement immobile, comme un félin guettant sa proie. Il avait déjà fait cela à plusieurs reprises et n’éprouvait absolument aucune émotion. Il sortit sa hache du sac où elle était dissimulée et en éprouva le tranchant avec le pouce. Il l’avait aiguisée grâce à du papier de verre très fin et, désormais, elle était coupante comme un rasoir. Sa force herculéenne ferait le reste. Il pouvait décapiter un homme d’un seul coup de hache bien asséné. Alors, une femme…

Son plan était clair. Sa mission accomplie, il s’enfuirait en jetant sa hache et gagnerait Knightsbridge. Dans un premier temps, il ne prendrait pas le métro où il pouvait y avoir des contrôles, mais s’enfuirait à pied avant de prendre un bus. En une heure, il aurait regagné son hôtel de Heathrow. Demain, il réserverait une place sur le premier vol pour le Pakistan. Il avait les horaires dans sa poche.

Il sursauta : une voiture venait d’entrer dans l’impasse. Les pinceaux blancs des phares illuminèrent les façades, puis les pavés. Ébloui, Shapour Nawqui n’était pas encore certain que ce soit la bonne voiture quand celle-ci s’arrêta en face du 45. Les phares s’éteignirent et il reconnut la calandre de la Bentley. Serrant fermement sa hache dans la main droite, il adressa une courte prière à Dieu et sortit de sa cachette.

Aurore noire
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